Burkina Faso : Claudette Yaméogo, celle qui « regarde » les yeux des enfants

Au Burkina Faso, où l’accès aux soins ophtalmologiques demeure un privilège rare, le pays ne compte que 70 ophtalmologistes pour près de 23 millions d’habitants. Parmi eux, une seule, la docteure Yaméogo, est entièrement dédiée à la santé visuelle des enfants.

Dans son cabinet de Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du Burkina Faso, la docteure Yaméogo représente un espoir fragile pour les familles les plus démunies. Confrontée chaque jour à des cas critiques, elle exerce dans un contexte difficile, marqué par l’isolement, l’insécurité et la pauvreté.

L’histoire du jeune Isaka Diallo illustre la dure réalité. Touché à l’œil par un jet de pierre lors d’un jeu, l’enfant est ballotté de centre de santé en hôpital régional, sans diagnostic ni soin adapté. Deux semaines plus tard, ses parents, désespérés, parviennent enfin à consulter la docteure Yaméogo. Mais il est trop tard : la lésion s’est aggravée de manière irréversible.

Un combat quotidien contre les inégalités de santé

Le cas d’Isaka n’est pas isolé. Plus de 70 % de la population burkinabè vit en milieu rural, alors que la majorité des ophtalmologistes sont concentrés dans la capitale, Ouagadougou, et les grandes villes. En 2024, sur plus de 2 000 interventions ophtalmologiques réalisées dans la région des Hauts-Bassins, seules 52 ont eu lieu en zone rurale, selon les données du ministère de la Santé.

« Travailler avec des enfants exige une patience infinie, car ils sont difficiles à examiner », confie la docteure Yaméogo. Lors d’une consultation, elle remarque qu’Isaka confond une pomme avec un piment. Est-ce un problème de vision ou d’environnement ? Le fruit ne pousse pas dans sa région. Ce détail souligne l’ampleur des défis culturels et médicaux auxquels elle est confrontée.

Les familles, souvent très pauvres, peinent à accéder aux soins. Une opération chirurgicale peut coûter jusqu’à 100 000 francs CFA (soit 179 dollars), un montant équivalent à plusieurs mois de revenus. Bien que l’État burkinabè annonce une prise en charge des soins pour les enfants de moins de cinq ans, les médicaments font régulièrement défaut dans les hôpitaux, forçant les familles à s’approvisionner ailleurs, à leurs frais.

L’engagement d’une femme face à l’urgence pédiatrique

Depuis le lancement de son activité fin 2023, la docteure Yaméogo n’hésite pas à se déplacer gratuitement auprès de familles trop éloignées ou trop pauvres pour venir à elle. Son engagement dépasse la simple consultation : il s’agit d’une mission de vie.

« Ici, les gens attendent d’être au bord du gouffre pour consulter. La médecine traditionnelle reste souvent le premier recours », explique-t-elle. Cette réalité contribue aux diagnostics tardifs, avec des conséquences dramatiques sur la vision – et la vie – des enfants.

Avec euronews

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *