Les rideaux se sont refermés ce week-end sur l’Abissa 2025, après deux semaines d’effervescence à Grand-Bassam. Deux semaines durant lesquelles la cité historique, classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO, a vibré au rythme d’une tradition vieille de plus de deux siècles, portée fièrement par le peuple N’zima. Le thème choisi cette année « L’Abissa, une danse de paix, de conjuration des calamités et de renforcement de la cohésion sociale » résonnait comme un appel à l’unité et à la fraternité.

Grand-Bassam reste le cœur battant de l’Abissa
Ce samedi 18 octobre, le soleil déversait ses derniers rayons sur la ville, mais la chaleur la plus intense venait des cœurs et des tambours. Dès le début d’après-midi, les alentours du Palais royal des N’zima ne désemplissaient pas. Curieux, habitants, visiteurs venus de toute la Côte d’Ivoire et même de l’étranger. Tous attendaient l’un des moments les plus sacrés du festival : la sortie du roi des N’zima.
Pour comprendre l’Abissa, il faut remonter le temps. Héritée des ancêtres de ce peuple originaire du Ghana, installé à Grand-Bassam depuis le XVIIIᵉ siècle, cette fête symbolise le pardon, la réconciliation et le renouveau. Un véritable “reset” spirituel où l’on solde les rancunes de l’année écoulée pour repartir sur des bases saines.
Une sortie royale pleine d’émotion
15h15. Un léger frisson parcourt la foule. Des mouvements s’amorcent à l’entrée du palais. Un premier homme en tenue traditionnelle apparaît, entouré de chants en langue N’zima. Fausse alerte : ce n’est pas encore le roi. La tension monte. Quelques minutes plus tard, 15h30 sonne, et la magie opère. Escorté par ses gardes et précédé d’une petite fille assise à l’avant de son siège, le roi sort enfin du palais, porté en triomphe sous les acclamations. Les tambours s’intensifient, les cris fusent : « Longue vie à notre roi ! Longue vie à notre roi ! »

La petite fille qui « ouvre le chemin » se lève et esquisse quelques pas de l’Abissa. Elle est fortement applaudie par le public. Son peuple l’accompagne fièrement. Cette scène est répétée plusieurs fois et le roi arrive enfin sur la place aménagée où l’attendent plusieurs personnalités et autorités.

Véritable attraction culturelle
Ami est une jeune fonctionnaire, la trentaine révolue. Elle originaire du nord de la Côte d’Ivoire, mais présente à cette fête qui a lieu dans le sud, sur le littoral. En effet, l’Abissa est signe de cohésion et de curiosité. « Je ne suis pas N’zima. Mon grand frère a marié une femme de Bassam. Alors je suis venue l’accompagner et découvrir l’Abissa », nous confie-t-elle pressée de rejoindre la place des festivités.

L’émotion est là au même titre que la tradition. Tout ce beau monde progresse vers la place aménagée pour recevoir l’événement. En réalité, ce samedi après-midi qui marque l’avant dernier jour de l’édition, des villages presteront les uns après les autres devant les dignitaires de la cour royale.
Abissa danse oui, mais identité culturelle en prime

Le roi à peine installé, les festivités peuvent débuter. Les batteurs sont déjà à la tâche, plus déterminés que jamais. Les prestations s’enchaînent, les unes après les autres. Des Kominlin à l’Atchuin Kouassi, en passant par le groupe Kon Êyêlê, le public est comblé par la richesse des pas de l’Abissa. C’est alors que l’on comprend que cette danse, emblématique du peuple N’zima, se décline sous plusieurs formes et interprétations.

Autour de la place officielle, les enfants du peuple N’zima ont formé une haie circulaire. Rejoints par des visiteurs venus d’ailleurs, dont plusieurs occidentaux, tous se laissent envoûter par le rythme et la magie de l’Abissa.
La dernière journée de l’Abissa 2025 a débuté dès les premières heures par la cérémonie de l’aurevoir à Afantchè la « divinité » du pardon de l’Abissa. Le renversement des tam-tams a été immédiatement suivie de la cérémonie de purification du peuple entre 4 H 30 et 6H du matin.

La dernière sortie triomphale du roi a eu lieu dimanche à 15H30 et ce dernier a reçu les vœux du peuple avant d’adresser à son tour un message de nouvel an.
Par Serge EKRA
Photos : Yves Constant EBOULE