À la tête de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) depuis 2020, Hicham El Habti défend une approche africaine souveraine dans la course à l’intelligence artificielle. Entretien en vidéo, réalisé en marge de l’Africa CEO Forum 2025.
Sur le plan de la régulation, du financement et de l’usage de l’intelligence artificielle, le continent africain est en pleine ébullition et cherche encore la manière dont elle peut se différencier dans cette course de fond qui oppose principalement les États-Unis à la Chine. Certes, les initiatives locale se multiplient, du Fonds africain pour l’intelligence artificielle lancé en avril dernier à Kigali lors du Global AI Summit, à l’éclosion de start-up, sans parler des nombreux projets de recherche qui naissent dans les universités à l’instar du Centre de développement de l’intelligence artificielle pour les langues (CDIAL), à Bamako.
Mais le chemin semble encore long pour que les économies africaines puissent profiter des fruits de ce qui est présenté, par beaucoup, comme un nouveau levier de croissance. Pour Hicham El Habti, président de l’UM6P, il est plus que temps que les décideurs économiques et politiques africains abandonnent leur posture d’observateurs au moment même où son pays, le Maroc a réfléchit lui-même à ces questions lors d’Assises nationales de l’IA, organisées à Rabat les 1er et 2 juillet.
« Les enjeux auxquels nous faisons face sont différents de ceux du Nord, de l’Europe, des États-Unis ou de la Chine », martèle le président de l’UM6P dans un entretien en vidéo qu’il a accordé à Jeune Afrique en marge de l’Africa CEO Forum 2025*. « C’est à nous de nous prendre en main et de nous poser les bonnes questions. » La première urgence ? Mettre en place « une régulation au niveau panafricain ».
« Il y a beaucoup de questions que, pour le moment, le commun des mortels ne parvient pas à saisir », constate-t-il. S’il insiste sur la nécessité de « développer des solutions », il souligne également qu’il convient de réfléchir aux questions éthiques, et en particulier à la protection des données. « On doit être conscient que nos données sont utilisées. C’est malheureusement déjà le cas aujourd’hui, mais on ne le sait pas. On ne nous demande même pas notre avis, regrette-t-il. Il faut que les gens comprennent de quoi on parle. C’est quoi l’IA et la santé ? L’IA et l’agriculture ? L’IA et l’éducation ? Tout cela reste encore très abstrait et il faut qu’on développe des solutions, via des start-up, des choses tangibles dont les gens puissent se saisir. »
Hicham El Habti insiste sur la nécessité de renforcer la formation et de multiplier les expérimentations, en particulier sur le continent. « Il faut que nous puissions développer des algorithmes qui peuvent tourner avec des bases de données incomplètes, par exemple. Il y a de la recherche autour de cela : j’ai une base de données, mais il manque quelques éléments… Comment puis-je faire pour m’appuyer sur ce que j’ai, et m’approcher de la solution ? Si on attend d’avoir une base de données complète, c’est mieux mais cela risque de prendre plusieurs années. » Au risque de laisser la concurrence passer devant.
Source: Jeune Afrique